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Disparition de Splash Mountain : Everything is Satisfactual ?

Disparition de Splash Mountain : Everything is Satisfactual ?

26 juin 2020

It's the truth, it's actual ! Les joyeux résidents de Splash Mountain s'apprêtent à faire leurs valises pour laisser place à la Princesse Tiana et ses amis au sein de Disneyland et Walt Disney World. Alors bonne ou mauvaise nouvelle et quels sont les éléments qui ont poussé à cette annonce ? Mister Bluebird vous dit tout...

Splash Mountain est une attraction iconique. Il n’y a pas d’autres mots pour parler de cette attraction. Ceux qui comme l’auteur de cet article ont eu la chance d’embarquer à son bord savent de quoi il en retourne. Une attraction généreuse avec une durée de 12mn, une profusion d’Audio-Animatronics, une histoire simple mais efficace, de nombreuses chutes, un layout parfait et enfin une silhouette qui a su trouver sa place dans le paysage des Parcs Disney aux côtés de Space Mountain et Big Thunder Mountain. Sans oublier bien sûr sa musique entêtante et joyeuse ponctué d’airs légers sans qui le ride ne serait rien et faisant ainsi de la zone un vrai petit coin de bonheur (ou Laughing Place en VO). Mais alors pourquoi s’en séparer maintenant après 31 ans de bons et loyaux services ?

3 mots : Mélodie du Sud. Nombreux sont ceux qui en ont entendu parler, rares sont ceux à l’avoir vu. Contrairement à une idée reçue, Mélodie du Sud n’est pas « devenu » controversé. Il l’était déjà à sa sortie en 1946. Le film se base sur les Contes de l’Oncle Remus, une collection de récits compilés par Joel Chandler Harris, et suit Jeannot, un enfant de sept ans vivant désormais dans la plantation de sa grand-mère qui trouve du réconfort dans les histoires relatés par un domestique noir. C’est ainsi que prennent vie les personnages de Frère Lapin, Frère Renard et Frère Ours, ces 2 derniers complotant pour capturer le premier. Si le scénario ainsi décrit paraît inoffensif, la représentation à l’écran l’est beaucoup moins. Le film dépeint un monde où les employés noirs sont tout simplement heureux de leur condition. Certes, le propos se déroule après la Guerre de Sécession et donc après l’abolition de l’esclavage mais cette information n’est jamais clairement mentionnée. Ce caractère vague entoure donc l’Oncle Remus et sa relation avec la famille de Jeannot. A l’époque, la NAACP félicitait le film pour son « remarquable mérite artistique » mais déplorait dans le même temps « l’idée d’une relation maître-esclave idyllique qui n’est qu’une distorsion de la réalité ». C’est là tout le paradoxe de ce film et ce qui explique que seules les parties animées ont su trouver une seconde vie. Exempt de ces problèmes de représentation (à l’exception du Bébé de Goudron), Frère Lapin et ses compagnons ont su se faire une place dans l’inconscient collectif d’abord dans les bandes dessinées dominicales puis finalement dans les Parcs.

La naissance de Splash Mountain est dûe à un incroyable alignement des étoiles. A l’époque, les exécutifs de Disneyland cherchait à inclure une attraction aquatique au Parc qui pourrait ajouter une dose de sensation à l’offre. Dans le même temps, la zone Bear Country où les Country Bears effectuaient leurs représentations était un cul-de-sac vide qui avait besoin d’être revigoré. Ajouté à cela les Audio-Animatronics d’America Sings qui allaient bientôt finir à la décharge (environ une centaine d’animaux) et vous avez le combo qui a permis à Tony Baxter de développer l’attraction d’abord intitulée Zip-A-Dee-River Run. Seul obstacle, afin de s’assurer que la reprise des personnages d’Oncle Remus ne pose pas souci avant d’investir les 75 millions de dollars nécessaires à la construction, Disney sortit une dernière fois le film pour son 30ème anniversaire en 1986. Cette ressortie fût couronnée de succès et donna le feu vert aux Imagineers pour débuter le chantier.

C’est ainsi que depuis 30 ans, les cris des visiteurs résonnent au sommet de Chickapin Hill. Fort de son succès, elle est ensuite dupliquée à Walt Disney World et Tokyo Disneyland. Ces dernières années cependant, les articles questionnant le thème de l’attraction et d’une éventuelle refonte se sont fait plus nombreux. Avec l’arrivée de Disney+, Mélodie du Sud a refait parler de lui en étant le seul blacklisté du catalogue de la plateforme lui qui avait déjà été privé d’une sortie vidéo. Avec les récents événements s’étant déroulé aux US et le phénomène Black Lives Matter, les choses se sont « précipitées » du moins dans la communication avec l’annonce du remplacement de Splash Mountain.

C’est donc La Princesse et la Grenouille qui a été choisi pour succéder à Mélodie du Sud. Un choix loin d’être anodin même si Bob Weis, président de Walt Disney Imagineering, évoque que cela fait plusieurs années que d’autres thèmes sont étudiées pour Splash. Le seul film d’animation Disney ayant un casting majoritairement noir prend ainsi la place du film Disney le plus controversé en matière de représentation raciale. Tout un symbole.

Commençons donc par les points positifs de ce changement ! La Princesse et la Grenouille est assurément un film réussi et qui a conquis de nombreux spectateurs depuis sa sortie avec une princesse forte et déterminée, prête à tout pour aller au bout de son rêve. Des personnages attachants, des chansons entraînantes et le plaisir d’apprécier l’animation traditionnelle ont largement contribué à son succès. Nul doute que pour de nombreuses familles, se voir enfin représenté dans un ride majeur à Disneyland est une excellente nouvelle après des décennies de dark-rides mettant en avant Blanche Neige, Ariel ou récemment Elsa. Le thème du Bayou colle parfaitement à New Orleans Square et assure d’avance une intégration réussie à Disneyland. Le parcours ne changeant pas, c’est l’occasion de voir naître un Splash 2.0 avec des nouveaux effets spéciaux, des animatroniques dernière génération (il suffit de voir ce qui se prépare à Tokyo Disneyland avec La Belle et la Bête) et d’intégrer un nouveau classique du catalogue Walt Disney Animation Studios dans le paysage des attractions Disney. Il n’est pas non plus difficile d’imaginer les numéros musicaux qui viendront ponctuer le parcours ainsi que les thèmes qui sauront prendre une consonance proche sous leurs formes instrumentales du loop actuel environnant. D’autant plus qu’il s’agira d’une histoire inédite se déroulant après les évènements du film et suivant les préparatifs du premier Mardi Gras de Tiana et Louis l’Alligator. Enfin, le projet est entre de bonnes mains avec Charita Carter (Mickey & Minnie’s Runaway Railway) à la tête de celui-ci et à ses côtés Scott Trowbridge (Star Wars Galaxy’s Edge) mais aussi Tony Baxter qui revient en temps que consultant.

Pourtant à l’excitation de cette nouveauté à venir se mêle un sentiment de tristesse. Il est normal pour l’être humain de ressentir parfois une certaine nostalgie face au changement. Nombreux sont les visiteurs à avoir forgé des souvenirs mémorables sur cette attraction qui a toujours figuré au rang de favorite durant son existence. Ce n’est pas parce que l’on a fait Splash Mountain ou aimé Splash Mountain que l’on est raciste. Beaucoup l’ont fait sans jamais savoir que les personnages étaient tirés d’un film obscur. L’ignorance est-elle pour autant excusable ? C’est là une nouvelle fois tout le paradoxe de cet univers. L’attraction ne comportait aucun élément raciste. Seule son origine était problématique mais elle avait su s’en détacher et devenir une « licence » à part entière. Disney ne s’est d’ailleurs jamais privé des revenus merchandise qui ont découlé de cette dernière.

La disparition de Splash Mountain pose donc à nouveau le débat de la censure d’une oeuvre. Jusqu’à présent, une rethématisation semblait peu probable malgré la pétition qui a circulé en mai. Il faut dire que la somme nécessaire au changement est non négligeable et qu’au vu des circonstances économiques actuelles, changer Splash ne figurait pas parmi les priorités. Maintenant que c’est officiel, voir cette icône modifiée après 30 ans d’existence ouvre la voie à la mise au placard de tout ce qui touche de près ou de loin au film, y compris ses personnages mais aussi ses chansons dont l’hymne célèbre « Zip-A-Dee-Doo-Dah ». Alors que la Warner faisait polémique le mois dernier suite au retrait temporaire d’Autant en Emporte le Vent de sa plateforme HBO Max, Disney se refuse à suivre le chemin de contextualisation de l’oeuvre emprunté par ses consœurs et préfère faire comme si elle n’avait jamais existé.

Frère Lapin, Frère Renard et Frère Ours vivent leurs dernières heures. Oui Splash Mountain nous manquera et les musiques joyeuses de Critter Country continueront de résonner en nous. Pour les fans inconditionnels, il restera Tokyo Disneyland qui compte garder sa version sous sa forme originelle (du moins pour le moment). Mais nous avons également hâte de découvrir ce que le Bayou nous réserve aux côtés de Louis et Tiana. Un sentiment contrasté donc. A l’image de Mélodie du Sud.

Zip-a-dee-doo-dah, zip-a-dee-ay
Constrasted feeling, constrasted day!